samedi 8 septembre 2007

De la Musique à la BD, Entretien avec JANRY, par Christine BLANC



Les amateurs de Bande Dessinée connaissent bien le JANRY qui a commencé sa carrière en dessinant les planches des décors de Cubitus, qui a poursuivi avec la reprise des Aventures de Spirou et Fantasio et continue aujourd'hui avec beaucoup de succès à publier Le Petit Spirou. Les passionnés, eux, savent tous par exemple qu'il est né en 1952 à Jadotville au Zaïre, et qu'il vit à Bruxelles depuis qu'il a dix ans.
Mais qui savait, jusqu'à aujourd'hui, que JANRY et sa bande de joyeux drilles ont en commun un violon d'ingres? Pour ces artistes nés, d'un récitatif de BD à celui d'une partition musicale, il n'y a vraiment qu'un trait!

Janry à la basse, par JANRY.


D’où vous est venue l’idée du Boys Bande Dessinée ?
Cela remonte à 12 ans. Ce fut une initiative du rédacteur en chef de Spirou de l’époque qui avait remarqué que beaucoup de ses dessinateurs étaient aussi musiciens. Nous avons donc formé un groupe … qui ne devait durer pas plus longtemps que la Tour Eiffel ! Le but premier était tout simplement d’animer les réunions de la rédaction. Il y avait là Midam, le regretté Yvan Delporte, Thierry Tinlot, Frabrizio Borrini et d’autres. Nous ne sommes pas des musiciens, simplement des auteurs de bd qui se débrouillent ! Pour ma part, je suis arrivé plus tard. C’était marrant, et en plus cela permettait d’animer les nombreux festivals de bd existant en faisant autre chose que des dédicaces. Nous avons donc commencé à faire des concerts dans le but d’attirer de nouveaux amateurs de bd. Prenez un festival comme Roquebrune. C’est un jeune festival, mais on sent déjà que les spécialistes et les collectionneurs viennent en nombre. Or, c’est un « peuple conquis ». Ils font preuve d’une patience extraordinaire et sont prêts à faire la queue pendant des heures pour avoir une dédicace ou un dessin. Ce ne serait pas le cas de « novices ». C’est pour cela que la musique nous semble être une ouverture intéressante. Les festivals commencent d’ailleurs à s’y intéresser, mais beaucoup d’entre eux n’ont pas perçu cet intérêt. Nous avons donc commencé avec 20 à 30 dates par an, puis les choses ont baissé. Qu’importe, on apprécie encore plus chaque concert dans des festivals qui ont réellement compris le concept.

Cela vous plairait-il de vous produire à Roquebrune ?
C’est tout à fait possible !... J’en ai assez de ces festivals trop réducteurs. La bd est un monde de création. Créons donc sous l’angle de la bd ! C’est ainsi que nous avons transformé les paroles de classiques de la chanson. Nous avons par exemple une chanson sur les maires qui font des festivals de bd pour épater le citoyen ! Il y a trop de festivals de BD. Il en existe plus que de jours de la semaine ! Et nous, les dessinateurs, nous sommes des gentils et on se laisse souvent prendre. Alors on exprime cela dans nos chansons !

Dimanche, 9h30. File d'attente pour la séance de dédicaces de 15h de Janry.


Avez-vous un projet d’album ?
Oui. Nous avons tout ce qu’il faut du point de vue artistique et musical. Il ne nous manque qu’un peu d’expertise en matière de réalisation. Je suis allé jusqu’à créer un studio chez moi ! Nous aimerions bien faire un album de bd avec le cd dedans. Un objet complet. Ce serait un peu comme un dictionnaire de la bd, avec des anecdotes sur le métier, sur les hôtels des festivals, les séances de dédicaces, etc. La bd vue par ses auteurs, en quelque sorte. Quelque chose d’un peu impertinent. On pourrait même envisager un dvd sur nos histoires de dédicaces. Je me souviens par exemple d’un type qui a attendu trois heures pour rencontrer un auteur et lui dire : « c’est vous qui faites ça ? Eh bien c’est de la merde ! »
De plus, cela nous intéresserait vraiment de produire nous mêmes, de voire l’envers du décor, de comprendre comment nos éditeurs s’enrichissent sur notre dos ! On passerait ainsi du Côté Obscur de la Force !





Quel est le style de vos chansons ? Quel serait l’esprit de l’album ?
Nous aimons brouiller les pistes au maximum ! On pourrait imaginer par exemple un slow d’été joué dans le style de Nirvana ou un air latino joué à la Jimmy Hendricks. Sans oublier les Beatles !

C’est vraiment une façon à vous de faire de la musique !
Mais cela va encore plus loin. Nous aimerions que nos représentations soient plus que des concerts. Ce serait un spectacle avec acteur. Par exemple, on pourrait avoir une parodie de collectionneur qui interromprait sans cesse le concert pour avoir son dessin par tous les moyens ! Cela permettrait une véritable interactivité entre ces deux média a priori éloignés que sont la musique et la bd.


Cette interactivité a déjà été tentée, je crois ?
C’est vrai, par Cosey, l’auteur de Jonathan, mais c’était très différent. En fait, il conseillait tel ou tel disque, comme les Pink Floyd, pour la lecture de ses livres. Mais cela était trop réducteur car cela imposait quelque chose. Nos lecteurs sont pour la plupart des ados et de jeunes adultes. Ils ne cherchent pas à ce qu’on leur dicte la façon de lire leurs bd ! Ceci dit, il est vrai que peu de dessinateur dessinent sans musique. Moi le premier, j’en mets souvent quand je travaille à un album. Par exemple, pour La Frousse aux Trousses, j’écoutais du Jean-Luc Ponty. Et pour Spirou à New York, j’écoutais du Pantera. J’écoute souvent des musiques violentes pour les scènes d’action. Une musique qui corresponde à l’atmosphère de la planche. Finalement, c’est un très petit pas qui sépare la bd de la musique.

Comment êtes vous venu à la musique ?
J’ai commencé à 40 ans, j’ai choisi la basse parce qu’il n’y avait que 4 cordes pour 5 doigts. Cela m’a paru un très bon rapport. Puis il a eu des rencontres dans différents festivals.


Vous parliez de proximité entre la BD et la musique. Pourtant rien n’est plus éloigné que la scène et le studio du dessinateur.
Vous avez raison, mais le fil rouge c’est la création. Tout comme la musique, la BD est un voyage. Mais nous les dessinateurs, sommes tellement introvertis que nous avons besoin de l’éditeur, comme intermédiaire entre le public et notre œuvre. Sur scène, c’est une confrontation immédiate. On a une perception directe du succès ou non. C’est une sorte de mise à l’épreuve qui nous permet de ressentir très fort les vibrations. La BD est un milieu de solitaire, alors que faire de la musique entre copains, ça soude ! A tel point que je comprends mal les groupes qui se séparent. Une chanson, cela dure 4mn environ et cela ne tient que si on est vraiment tous ensemble. Alors que sur un dessin, on peut gommer ! De fait, avec mon groupe, nous sommes les meilleurs amis du monde ! Nous partageons les mêmes galères et les mêmes bonheurs. J’ai joué et je joue toujours dans d’autres groupes. Mais pratiquement tous ce sont arrêtés au bout de 8 mois, 1 an. Avec le Boys Band Dessinée, cela fait onze ans que cela dure et cela continue. Certains ont bien pensé partir, ont hésité, mais finalement ont mordu leur chique pour rester de peur de rater quelque chose.

Quels sont les goûts musicaux de l’orchestre ?
Nous sommes tous amateurs de musiques de qualité. Luc par exemple, est un fan de Zappa, du Jazz Rock des années 70 & 80, de Chick Coréa, mais aussi de Mike Brandt (pour rigoler). Nous sommes très ouverts. Pour ma part, j’aime autant Joe Dassin, que Tryo ou Miles Davis.
J’aime aussi beaucoup certaines musiques de film de Philip Glass et la musique de la Guerre des Rose. Est un menteur l’artiste qui dit ne s’intéresser qu’a son type d’expression.

Que ce soit en BD ou en musique, vous parvenez vraiment à nous faire partager votre passion.
L’auteur de BD, c’est une sorte de capitaine de navire aux commandes de tout un univers. Et le miracle c’est de donner envie au lecteur de tourner la page. Je dois à ce métier de tout faire pour attirer du monde, que ce soit à travers la BD ou la musique. C’est ainsi que je suis toujours prêt à donner des cours de BD dans les classes, car je sais qu’il y aura toujours un jeune qui accrochera. Un auteur est un animal étrange qui a deux univers : le plancher des vaches et son propre monde. Et il y a autant de monde que d’auteurs et donc autant d’invitations au voyage. Alors, virez votre TV, et découvrez tous ces univers qui vous grandissent car ils donnent toujours un choix !



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